C’est à l’employeur de prouver la réalité du motif d’un CDD, même 15 ans après
Le recours au contrat à durée déterminée est strictement encadré. Il est notamment possible de conclure un CDD pour un nombre limité de motifs (c. trav. art. L. 1242-2 et L. 1242-3). À défaut, le CDD sera requalifié en contrat à durée indéterminée en cas de contentieux.
Lorsque le conseil de prud’hommes prononce la requalification, il accorde au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut pas être inférieure à un mois de salaire (c. trav. art. L. 1245-2). En cas de modification de la situation juridique de l’employeur (c. trav. art. L. 1224-1), l’indemnité de requalification reste, en principe, due par l’employeur initial (cass. soc. 7 novembre 2006, n° 05-41723, BC V n° 324).
Ici, le contrat de travail du salarié avait été transféré à plusieurs reprises et la demande de requalification concernait le CDD initial, conclu en 1998, dont le salarié contestait la réalité du motif (surcroît d’activité).
La cour d’appel avait exigé que le salarié établisse la réalité de ses allégations. À tort pour la Cour de cassation, qui rappelle qu’il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la réalité du motif d’accroissement temporaire de l’activité énoncé dans le CDD (c. civ. art. 1315 dans sa version en vigueur au moment des faits ; c. civ. art. 1353 depuis le 1er octobre 2016).
Rude tâche pour l’employeur initial, qui devra donc démontrer un accroissement d’activité qui remonte à 1998…
Enfin, on pourrait s’étonner qu’un salarié puisse engager une action en requalification 15 ans après les faits. Il faut cependant rappeler que le CDD litigieux a été conclu sous l’empire de la prescription trentenaire (c. civ. art. 2262, dans sa version antérieure à la loi 2008-561 du 17 juin 2008). Initialement, le salarié pouvait donc agir jusqu’en 2028.
Le 19 juin 2008, la prescription a été réduite à 5 ans (c. civ. art. 2224). Par l’effet des règles transitoires, le salarié n’avait plus que jusqu’au 19 juin 2013 pour saisir le conseil de prud’hommes (loi 2008-561 du 17 juin 2018, art. 26). L’intéressé ayant été licencié le 17 décembre 2012, on peut imaginer qu’il avait saisi le conseil de prud’hommes avant le 19 juin 2013 et que son action n’était pas prescrite.
Ajoutons que les délais de prescription ont encore été réduits depuis et qu’ils s’élèvent aujourd’hui à 2 ans pour les actions relatives à l’exécution du contrat de travail et à 12 mois pour celles portant sur la rupture du contrat (c. trav. art. L. 1471-1).
Cass. soc. 21 novembre 2018, n° 17-21803 D
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