Extension d’une procédure collective et avertissement d’un créancier privilégié

L’article L. 622-24 du code de commerce prévoit que, en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’égard de leur débiteur, les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement d’avoir à déclarer leur créance. Le délai de déclaration (2 mois) court à l’égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.

Une récente affaire illustre la portée de cette disposition en cas d’extension d’une procédure collective d’un époux à l’autre.

La procédure de redressement judiciaire ouverte le 10 septembre 2012 à l’égard de M. X… a été étendue le 21 juin 2013 à Mme X…, son épouse.

La banque créancière à la fois de M. X… et de Mme X…. a effectué deux déclarations de créances successives :

-une première déclaration de créance, le 7 décembre 2012, au passif de la procédure de M. X… au titre d’un prêt consenti à M. et Mme X… et garanti par une sûreté réelle, en limitant sa demande aux seuls intérêts à échoir ;

-une seconde déclaration de créance, le 24 octobre 2013 au passif de Mme X. … à titre privilégié incluant le capital restant dû au titre de ce prêt.

Le mandataire judiciaire a refusé d’accueillir la déclaration de créance de la banque, qu’il estime trop tardive.

La banque a alors saisi le juge-commissaire aux fins de voir juger que le délai de 2 mois n’avait pas couru contre elle, faute d’avoir été destinataire de l’avertissement prévu à l’article L. 622-24 du code de commerce.

Les juges donnent pourtant gain de cause au mandataire judiciaire. Ils ont ainsi relevé que ce mandataire a adressé, le 5 juillet 2013, un avertissement à la banque d’avoir à déclarer sa créance dans la procédure collective de M. X…. D’après eux, cet avertissement a bien fait courir le délai de 2 mois octroyé au créancier privilégié pour déclarer sa créance, peu important que cet avis ne mentionnât pas Mme X…., ni le jugement d’extension à l’égard de cette dernière ; la créance de la banque résultait d’un prêt consenti à M. et Mme X…. et par l’effet de la procédure d’extension de la procédure collective de M. X… à Mme X…., ces deux personnes se sont trouvées réunies en une procédure collective unique avec patrimoine commun et unicité d’actifs et de passif. Les juges en concluent donc que cet avertissement a suffi à informer la banque de ses droits et obligations.

Cette décision d’appel est censurée par la Cour de cassation : chacun des codébiteurs solidaires s’engageant distinctement à l’égard du même créancier, le jugement qui étend à l’un la procédure collective ouverte à l’égard de l’autre fait courir au profit de ce créancier, à compter de sa date de publication, un nouveau délai pour déclarer sa créance quand bien même il l’a déjà déclarée au passif de la procédure initialement ouverte ; il en résulte que ce créancier, lorsqu’il est titulaire d’une sûreté régulièrement publiée, doit être averti personnellement d’avoir à déclarer sa créance au passif de celui à qui la procédure a été étendue.

Retenons que cette décision favorable au créancier avait d’autant plus d’intérêt pour celui-ci qu’il avait, dans cette affaire particulière, modifié ses prétentions à la hausse entre la première et la seconde déclaration.

cass. com. 28 juin 2017, n°16-16746