Entreprise évincée par favoritisme : ce que l’action pénale lui permet d’obtenir

Une entreprise candidate à une délégation de service public peut lancer des poursuites pénales et obtenir des dommages et intérêts si elle pense avoir perdu une chance d’être choisie suite à un délit favoritisme.

Une entreprise dépose plainte

Le 2 juillet 2015, le conseil municipal attribue la restauration scolaire de la commune à un nouveau délégataire.

Le précédent délégataire, qui était candidat pour continuer, dépose plainte pour favoritisme et dénonce le comportement d’une employée municipale. Il se constitue partie civile et demande aux juges de condamner les fautifs à lui verser des dommages et intérêts.

L’enquête pénale conclut au favoritisme

L’enquête pénale révèle que l’employée municipale, cheville ouvrière de la restauration scolaire de la ville, a apporté son aide au nouveau délégataire pour qu’il soit choisi par le conseil municipal. Elle lui a notamment communiqué un certain nombre d’informations qui l’ont conduit à renégocier ses prix à la baisse. L’employée lui a ainsi procuré un avantage injustifié par rapport aux autres entreprises candidates. Le délit de favoritisme est donc bien constitué (c. pén. 432-14).

Condamnations pénales prononcées

L’employée municipale est condamnée pour favoritisme à 4 mois d’emprisonnement avec sursis.

Le nouveau délégataire et son dirigeant sont condamnés pour recel, les juges leur reprochant d’avoir bénéficié de la délégation de service public pour un montant de 1 250 000 €, montant qu’ils savaient provenir du délit de favoritisme. La société délégataire écope de 60 000 € d’amende et son dirigeant de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et de 15 000 € d’amende.

Ces condamnations sont validées par la Cour de cassation.

Sort réservé à la partie civile

Dommages et intérêts refusés. – Quant à l’ancien délégataire et à sa constitution de partie civile, les juges lui ont refusé tous dommages et intérêts.

Les juges ont en effet retenu que d’autres sociétés avaient présenté leur candidature. L’une d’entre elles aurait très bien pu être choisie si le délit de favoritisme n’avait pas été commis ; la candidature de l’ancien délégataire aurait alors été repoussée.

Bref, rien ne permettait, selon les juges, d’établir le caractère certain du préjudice invoqué par le délégataire évincé.

Censure de la Cour de cassation. – La Cour de cassation censure et renvoie l’affaire devant d’autres juges en leur demandant de rechercher :

– si le délégataire évincé avait, compte tenu de son activité, de son expérience ou de tout autre élément, une chance sérieuse d’être choisi par le conseil municipal ;

– et si l’attribution irrégulière de la délégation a eu pour conséquence directe de lui faire perdre cette chance.

Si ces deux conditions sont réunies, des dommages et intérêts doivent être octroyés au délégataire évincé. Peu importe le nombre d’entreprises candidates pour obtenir la délégation de service public.

Cass. crim. 7 septembre 2022, n° 21-83121