Procédure collective : le dirigeant n’est pas à l’abri d’une action en responsabilité personnelle d’un créancier

Le créancier d’une société en procédure collective peut engager la responsabilité du dirigeant, pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture, dès lors qu’il a subi un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d’une faute du dirigeant séparable de ses fonctions.

Rappel de l’action en responsabilité des tiers contre un dirigeant

Le dirigeant d’une société est responsable envers les tiers des fautes commises dans sa gestion (c. com. art. L. 225-251 et L. 223-22).

Pour cela, la faute reprochée doit être séparable des fonctions du dirigeant et lui être imputable personnellement (cass. com. 28 avril 1998, n° 96-10253). Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales (cass. com. 20 mai 2003, n° 99-17092).

Qu’en est-il de l’action en responsabilité des créanciers d’une société en procédure collective contre le dirigeant ?

Une action commune réservée au liquidateur

Dans le cadre d’une vente de droits sociaux, le cédant s’est engagé à effectuer une mission d’accompagnement au profit du cessionnaire pendant une durée de 12 mois, moyennant rémunération.

Moins d’un an après la cession, la société cessionnaire est mise en redressement puis en liquidation judiciaires. Estimant avoir été trompé sur la solvabilité de la société repreneuse, le cédant assigne en responsabilité les dirigeants de cette dernière. Il invoque à ce titre plusieurs préjudices matériels et moraux dont la perte de revenus liés à la mission d’accompagnement qui n’a pas pu être accomplie jusqu’à son terme.

La cour d’appel rejette la demande du cédant au motif que ce dernier ne justifie pas d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers.

En effet, lorsqu’une société est en liquidation judiciaire, il appartient au liquidateur uniquement d’agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers (c. com. art. L. 622-20 et L. 641-4, al. 3).

Une action individuelle possible en cas de préjudice personnel et distinct

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Elle rappelle que « l’action en responsabilité personnelle engagée par un créancier contre les dirigeants d’une société en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture, est subordonnée à l’allégation d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d’une faute du dirigeant séparable de ses fonctions ».

Par conséquent, la haute juridiction reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si la perte, pour l’avenir, des rémunérations que le cédant aurait pu percevoir au titre de sa mission d’accompagnement ne constituait pas un préjudice personnel distinct des autres créanciers.

Si tel était le cas, la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants échapperait ainsi au monopole d’action du liquidateur.

À noter. Cette solution n’est pas nouvelle et a déjà été adoptée par la Cour de cassation dans des affaires précédentes (cass. com., 7 mars 2006, n° 04-16.536 et cass. com. 29 novembre 2016, n° 14-25904).