Sauver sa société grâce à un apport en compte courant, oui mais …
Augmenter son compte courant d’associé peut permettre à la société d’éviter une procédure collective. Encore faut-il que cet apport ne soit pas catalogué de « financement abusif ».
Augmenter son compte courant d’associé pour échapper à une procédure collective
Lorsqu’une entreprise est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (on dit alors qu’elle est en cessation des paiements), son dirigeant doit demander l’ouverture d’une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaires).
Pour éviter cette issue, le dirigeant peut naturellement chercher à obtenir de nouveaux délais avec ses créanciers (ce qui réduira le passif exigible) ou encore de nouveaux financements (ce qui augmentera l’actif disponible).
A ce titre, il peut lui-même apporter de l’argent à la société. Si cet apport en compte courant rend l’actif disponible supérieur au passif exigible, la procédure collective peut alors être évitée.
Pour autant, la solution n’est pas aussi carrée qu’elle paraît, ainsi que le montre l’affaire relatée ci-après.
L’apport en compte courant doit constituer un financement « normal »
Un apport en compte courant effectué pendant la procédure d’appel
A la demande d’un de ses créanciers, une société est mise en redressement judiciaire, le tribunal de commerce ayant constaté qu’elle avait un passif de 96 000 € et qu’elle n’avait aucun actif.
Le dirigeant fait appel et la cour d’appel va donc, à son tour, juger si la société est, ou non, en état de cessation des paiements. Pour cela, elle prendra en compte les montants de l’actif et du passif à la date à laquelle elle statuera.
En prévision de l’audience de la cour d’appel, le dirigeant porte son compte courant d’associé à 300 000 €. Cette somme étant très supérieure au montant du passif exigible, le redressement devrait donc être infirmé.
Le redressement judiciaire confirmé malgré l’apport en compte courant
La cour d’appel relève plusieurs aberrations ou anomalies dans la situation de la société ; notamment :
– la société ne dispose pas d’un compte bancaire ;
– ses charges sont réglées par le gérant ou par un tiers ;
– le compte courant d’associé du gérant est de 300 000 € pour un capital de 10 000 € ;
– la société ne produit ni compte d’exploitation ni document prévisionnel.
Au vu de ces circonstances, les juges estiment que l’apport en compte courant du gérant constitue un financement anormal destiné à soutenir artificiellement la trésorerie en dissimulant la persistance de l’état de cessation des paiements.
Les juges d’appel confirment donc le redressement judiciaire de la société. La Cour de cassation valide cette décision.
Moralité, le dirigeant ne fera pas échapper la société à une procédure collective si, au vu des circonstances, les juges peuvent considérer que son apport en compte courant est un financement anormal.
Cass. com. 1er juillet 2020, n°19-12068
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