S’opposer à une injonction de payer : une précision utile pour les sociétés
Lorsqu’un dirigeant charge une personne de faire opposition à une injonction de payer prononcée contre la société, l’important est cette personne effectue l’opposition dans le délai légal d’un mois. Elle aura ensuite tout le temps pour justifier auprès du tribunal du pouvoir qu’elle a reçu du dirigeant.
Ordonnance d’injonction de payer
Un prestataire obtient à l’encontre d’une société une ordonnance du président du tribunal de commerce portant injonction de lui régler 7 700 € correspondant au montant de factures impayées.
Opposition formée par le débiteur
La société forme opposition devant le tribunal de commerce le 14 novembre 2017. Cependant, cette opposition est signée par une personne qui ne sera désignée gérant de la société que le 6 janvier 2018 avec effet au 31 décembre 2017.
Pour couvrir cette irrégularité, la société fournit au tribunal un pouvoir daté du 30 octobre 2017 et signé par la gérante de l’époque. Dans ce document, la gérante donne à celui qui a effectué l’opposition le pouvoir de réaliser cette formalité.
Cette régularisation ne pose aucun problème lorsque l’affaire est jugée par le tribunal de commerce, qui réduit la condamnation de la société à 5 500 €.
L’opposition est-elle régulière ?
Non, répond la cour d’appel. – Les difficultés apparaissent lorsque l’affaire vient en appel. Pour la cour d’appel, rien ne permet de sûr que le pouvoir n’a pas été antidaté. Peut-être a-t-il été établi alors que le délai d’un mois pour former opposition était dépassé. L’opposition serait alors irrégulière. Pour cette raison, les juges d’appel déclarent irrecevable l’opposition.
La société débitrice se retrouve donc avec une condamnation à hauteur de 7 700 €, outre les intérêts légaux.
Recours devant la Cour de cassation. – Saisie par la société débitrice, la Cour de cassation rappelle que, selon une jurisprudence constante, l’acte de saisine d’une juridiction, même entaché d’un vice de procédure, interrompt les délais de prescription ou de forclusion (cass. civ., 2e ch., 16 octobre 2014, n° 13-22088 ; cass. civ., 2e ch., 1er juin 2017, n° 16-14300).
Il en découle, poursuit la Cour, que l’opposition à une injonction de payer, même irrégulière, interrompt le délai d’opposition et que sa régularisation reste possible jusqu’à ce que le juge statue.
Enseignements pratiques
Un délai légal d’un mois pour faire opposition. – L’injonction de payer est une procédure de recouvrement très utilisée car elle est rapide et ne nécessite pas l’intervention d’un avocat. Pour autant, si un créancier obtient une ordonnance d’injonction de payer, le débiteur peut former opposition et l’affaire est alors jugée par le tribunal. Pour faire opposition, le débiteur dispose d’un mois à partir du jour où l’ordonnance lui est signifiée (c. proc. civ. art. 1416).
Pas de délai pour fournir le pouvoir reçu pour faire opposition. – Si le débiteur est une société, l’opposition doit, comme pour toute action en justice (cass. civ., 2e ch., 22 octobre 1997, 94-13.225) être faite par son représentant légal ou par un mandataire auquel le représentant légal aura confié un pouvoir (sauf s’il s’agit d’un avocat). L’intérêt de l’arrêt du 18 janvier 2024 est de venir préciser que ce pouvoir peut être fourni alors même que le délai pour former opposition est dépassé. Une seule limite s’impose assez naturellement : le pouvoir doit être fourni avant le tribunal n’ait statué.
Cass. civ., 2e ch., 18 janvier 2024, 21-23033
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