Durée quotidienne de travail dépassée : salarié indemnisé sans condition

La Cour de cassation décide que le salarié qui a dépassé la durée maximale quotidienne de travail, hors cas de dérogation prévu par décret, doit être indemnisé sans avoir à prouver son préjudice. Elle applique donc la même solution qu’en cas de dépassement de la durée hebdomadaire maximale décidée en 2022. Cette jurisprudence de principe vise à protéger la sécurité et la santé des salariés, elle a vocation à s’appliquer à tous les dépassements de la durée du travail ne respectant pas les exceptions prévues par le code du travail.

Demande d’indemnisation pour dépassement de la durée quotidienne de travail

Dans cette affaire, la salariée avait été embauchée en CDI dans un EHPAD le 1er mars 2012 puis licenciée le 30 mars 2015. Elle avait saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes dont des dommages-intérêts pour dépassement de l’amplitude horaire journalière.

Elle avait effectivement prouvé qu’elle accomplissait des journées de travail de plus de 10 heures.

Cette demande avait été rejetée par la cour d’appel car la salariée ne démontrait pas avoir subi un préjudice.

Cette décision est cassée par la Cour de cassation qui rend ici un arrêt de principe.

Le dépassement de la durée quotidienne de travail cause nécessairement un préjudice au salarié

La Cour de cassation rappelle que la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder 10 heures, sauf dérogations accordées dans des conditions fixées par décret (c. trav. art. L. 3121-18 ).

Elle souligne que ces dispositions participent de l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail, concrétisé par la directive européenne sur le temps de travail (dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003).

À partir de là, la Cour de cassation considère que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation ».

La cour d’appel ne pouvait donc pas rejeter la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour dépassement de l’amplitude horaire journalière au motif que l’intéressée ne démontrait pas avoir subi un préjudice à ce titre.

L’affaire est donc renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Principe d’indemnisation de droit du salarié ayant dépassé la durée maximale du travail en dehors des dérogations admises

La Cour de cassation avait déjà rendu un arrêt similaire à propos d’un salarié ayant dépassé la durée maximale hebdomadaire de travail (cass. soc. 26 janvier 2022, n° 20-21636 FSB, voir notre actu du 28/01/2022 « Dépassement de la durée hebdomadaire maximale : le salarié n’a pas à prouver son préjudice pour être indemnisé »).

Compte tenu de la généralité des termes employés dans ces deux arrêts de principe, cette jurisprudence a vocation à s’étendre à tous les cas de dépassement de la durée maximale du travail hors cas de dérogation.

La Cour de cassation ajoute donc une nouvelle exception au principe général selon lequel le salarié doit prouver le préjudice né d’un manquement de l’employeur s’il veut recevoir une réparation.

Cass. soc. 11 mai 2023 n° 21-22281 FSB