Propos racistes, altercations entre salariés : l’employeur est-il responsable ?
L’employeur est tenu à l’égard des salariés à une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2). Cette obligation de sécurité a notamment vocation à s’appliquer en matière de violences physiques et morales sur le lieu de travail.
La responsabilité de l’employeur peut être engagée lorsqu’un salarié est exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité, ou lorsqu’un risque se réalise, sauf si l’employeur prouve qu’il a pris toutes les mesures de prévention et de protection exigées par la loi (cass. soc. 25 novembre 2015, n° 14-24444, BC V n° 234).
Deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 17 octobre 2018 fournissent deux exemples de mise en cause de la responsabilité de l’employeur dans des affaires de propos racistes et d’altercations entre salariés.
Dans la première affaire (n° 16-25438), un salarié avait tenu à l’égard d’une autre salariée des propos à connotation raciste. Dans le cadre de diverses demandes devant le juge prud’homal, cette dernière a réclamé à l’employeur des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité.
La cour d’appel a fait droit à la demande de la salariée, estimant que celle-ci ayant été victime de violence morale sur le lieu de travail, l’employeur avait manqué son obligation de sécurité, quand bien même il avait pris ultérieurement des mesures en vue de réprimer ces agissements.
Mais la Cour de cassation censure cette décision. Elle reproche à la cour d’appel de s’être décidée sans avoir recherché si l’employeur n’avait pas justifié avoir pris les mesures de prévention légalement prévues et si, informé des propos en cause, il n’avait pas pris les mesures immédiates propres à faire cesser la violence morale.
En effet, en vertu de la jurisprudence de 2015 citée auparavant, la responsabilité de l’employeur n’est pas automatiquement engagée lorsqu’existe un risque pour la santé ou la sécurité du salarié. Les juges doivent rechercher, au regard des éléments produits par l’employeur, si celui-ci a pris ou non les mesures de prévention et de protection nécessaires. L’affaire sera donc rejugée.
Dans la deuxième affaire (n° 17-17985), une altercation avait eu lieu entre deux salariés, avec agression verbale de l’un entraînant pour l’autre des soins, mais sans arrêt de travail, pris en charge au titre d’accident du travail. Pour résoudre le différend entre les deux salariés, l’employeur avait organisé une réunion le lendemain de l’incident, puis d’autres réunions les mois suivants afin de faciliter l’échange d’informations entre services et entre ces deux salariés notamment. Mais cinq mois plus tard, l’auteur de la première altercation agresse à nouveau le même salarié.
Ce dernier réclame à l’employeur des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. La cour d’appel les lui accorde. Elle estime que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas les mesures nécessaires pour prévenir le risque de renouvellement de l’incident.
La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel. Elle estime que, bien qu’ayant connaissance des répercussions immédiates sur la santé du salarié causées par la première altercation, des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes et donc du risque d’un nouvel incident, l’employeur n’avait pris aucune mesure concrète pour éviter son renouvellement, hormis une réunion après l’altercation et des réunions périodiques de travail concernant l’ensemble des salariés.
Ici, les juges ont bien recherché si l’employeur avait ou non pris des mesures de prévention et de protection suffisantes. Cela n’a pas été le cas puisque l’employeur a été condamné pour n’avoir pris « aucune mesure concrète ».
Cass. soc. 17 octobre 2018, n° 17-17985 FSPB ; cass. soc. 17 octobre 2018, n° 16-25438 D
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